«Ce n’est pas la misère qui a créé l’islamisme, c’est l’école!»

Malgré les interdictions et la répression, le journaliste et écrivain Hamid Zanaz se sent plus libre d’écrire dans certains médias arabophones qu’en France. Ce détracteur résolu de l’islam explique pourquoi et nous livre son regard sur le monde arabe et l’Algérie.

 Hamid Zanaz est Algérien, il vit depuis une vingtaine d’années en France après de nombreuses hamid-zanaz-2.jpgannées passées dans son pays. Il y est retourné tout récemment pour la première fois depuis son exil. Il est écrivain, traducteur et journaliste et écrit abondamment dans des médias arabes, tunisiens, algériens et libanais principalement. Pour lui, il n’y a rien à retenir de la religion du prophète, islam et islamisme sont synonymes. Pessimiste, ironique et bon-vivant, il poursuit son œuvre-combat. Son dernier ouvrage est titré Islamisme: comment l’Occident creuse sa tombe.

Vous ne voulez plus publier d’ouvrages en français. Pourquoi?

Ce que je publie dans certains pays arabes, jamais je ne pourrais l’écrire en France. Même si en principe tout est interdit là-bas, le débat a lieu. Je viens de traduire du français en arabe un livre sur l’origine du monde qui est une vraie gifle à la religion. Ici, on a peur d’être traité de raciste. Dans les pays musulmans, je peux être traité de mécréant, jamais de raciste.

D’autres exemples de ce que vous pouvez dire là-bas?

Je peux écrire qu’il n’y a pas de différence entre islam et islamisme, ou que le public de Dieudonné est formé à 80% de racaille islamique. Pas en France ou alors seulement dans des sites au public limité, et au risque d’ennuis judicaires… Valls, lorsqu’il parle des djihadistes, il fait attention à ne pas dire qu’ils sont musulmans. C’est ridicule ! Je publie en ce moment une série d’articles dans un quotidien libanais arabophone. Ce sont des interviews de femmes arabes rebelles, dont Wafa Sultan et des femmes encore plus radicales. J’en ferai un livre en arabe intitulé «Ma voix n’est pas une honte», en référence à un Hadith de Mahomet.

Pour vous, la pauvreté en est-elle le terreau de l’intégrisme?

Contrairement à ce que veulent croire les Occidentaux, ce n’est pas la misère et la discrimination qui ont créé l’islamisme, c’est l’école! C’est la possibilité de lire. Avant, les religieux transmettaient un islam populaire, c’est-à-dire mal compris. Les gens étaient inconsciemment travaillés par la modernité, ils y adhéraient peu à peu. Lorsque l’enseignement a été arabisé en Algérie, les gens et les imams ont pu connaître l’islam savant, « le vrai islam ». Et quand ils l’ont connu, ils sont naturellement devenus intégristes et ils ont commencé à réclamer l’application de cet islam, la charia. Mais en fait, une bonne partie de la population lit peu, elle dépend de quelqu’un qui lui cite ce qu’il y a dans les textes. En Algérie, c’est surtout l’État qui islamise, c’est l’offre qui crée la demande. Je regarde parfois des émissions sur des TV algériennes. L’autre jour, je tombe sur des questions-réponses avec un type connu, autoproclamé spécialiste de l’islam. Une femme dit: j’ai des problèmes avec mon mari, il fait ceci et cela qui n’est pas juste. Et lui répond: pour plaire à Allah, tu dois suivre tout ce que dit ton mari.

Pensez-vous que la jeunesse du monde arabe représente un espoir?

Non, la jeunesse du monde arabe ne change pas, mis à part une minorité. L’école fabrique des intégristes jour et nuit. J’ai été prof de philo au lycée. Lorsque tu traites de l’État par exemple, le programme t’oblige à faire la liste des méfaits et des avantages du capitalisme et du socialisme, puis à faire la synthèse et à donner la solution: c’est l’État islamique. Les jeunes ne sont pas fanatisés par internet, ils sont d’abord islamisés dans les mosquées et les institutions de l’État. L’Internet, c’est le passage à la pratique.

Mais les préceptes, par exemple relatifs à la sexualité, sont extraordinairement sévères. La population réussit-elle à les respecter?

Non, même s’ils sont programmés par le logiciel islamique, les gens ne peuvent pas résister, la vie est plus forte. C’est une vaste hypocrisie. Quand je suis arrivé en Algérie, je suis allé dans un bar où il y avait des femmes et des hommes, où l’on buvait de l’alcool. Mais c’est devenu presque clandestin, ces lieux ferment petit à petit… souvent sous la pression des habitants du quartier.

Comment est-ce que le pouvoir se maintient?

Dans ce pays, il y a deux opiums, la religion et l’argent. L’Algérie ne se développe pas, mais pour garder le pouvoir, les autorités ont créé une sorte d’État-providence. Ils achètent la paix sociale et rappellent constamment qu’ils ont stoppé le terrorisme des années 90. Pour l’instant, ça marche. Mais il n’y a pas de pouvoir fort, les Algériens se sont toujours rebellés. En résumé, c’est le bordel !

Et à votre avis, ce régime peut tenir jusqu’à quand?

Jusqu’à la famine… jusqu’à ce que la manne pétrolière soit épuisée ou concurrencée par d’autres formes d’énergie. Le problème de l’islam va se régler quand il n’y aura plus de pétrole. Franchement, qui écouterait l’Arabie saoudite ou le Qatar s’ils n’en avaient pas?

En Algérie, avez-vous ressenti l’explosion démographique?

Les bâtiments envahissent tout, on ne cesse de construire. Si ça continue comme ça, dans 50 ans, il n’y aura plus un espace non-bâti. Il n’y a pas de travail. La pollution est terrible, les autoroutes délabrées… C’est le chaos partout. Mais j’y ai fait un beau séjour, il y a la famille, la mer…

Que pensez-vous du cas tunisien?

J’ai toujours aimé ce pays, c’est une exception dans le monde arabe. C’est dû à l’apport de Bourguiba, il avait vraiment compris le danger de l’islam, entre autres dans l’enseignement. L’éducation a bien fonctionné, elle a produit une élite laïque très bien formée et sa résistance à la pression religieuse est extraordinaire! Je les admire! Ces Tunisiens défendent la laïcité plus et mieux que les Français et dans un climat hostile.