Volontaire à l’aide d’un peuple meurtri, Farida revient d’Israël
Des bénévoles étrangers aident les Israéliens à prendre en charge les victimes de l’effroyable attaque du Hamas et de la guerre qui en est résulté. Une lausannoise raconte.
Lorsque nous nous rencontrons, Farida qui habite Lausanne, revient d’une dizaine de jours passés en Israël. «J’avais entendu un appel disant qu’Israël avait besoin d’aide, qu’il n’arrivait pas à assurer tout le soutien que nécessitait sa population et les francophones manquaient. C’était un peu plus de deux mois après le pogrom. Je voulais voir par moi-même ce qui se passait dans le pays où j’ai de la famille et auquel je suis très attachée.»
Elle appelle la ZAKA qui cherchait des volontaires. C’est un organisme israélien qui s’occupe de l’identification des corps et en l’occurrence de leur «reconstitution». «Je ne parle pas bien hébreux. Ils étaient tellement submergés qu’ils n’ont pas pu me répondre. Même situation dans un hôpital, je suis repartie ils étaient en stress total!»
Farida appelle une connaissance dans un kibboutz. Elle lui indique qu’elle peut aider des communautés à préparer des repas pour des personnes âgées réfugiées. «Dans le lieu où je me suis rendue, une auberge de jeunesse, il y avait quelque 1500 personnes. Beaucoup de réfugiés, des gens qui avaient fui, des personnes en déambulateur, handicapées, en pantoufles. Ils étaient sans aide, car des milliers de Thaïlandais et de Philippins qui travaillaient dans le pays étaient repartis.»
Rêve de retour
Le pogrom a produit quelque 330’000 déplacés, 120’000 par le gouvernement pour les protéger et 210’000 qui ont quitté leur domicile suite à la fermeture des écoles , aux profs et travailleurs partis à la guerre, au manque de travail et à l’absence de revenu. Des volontaires, comme Frarida, ont afflué de nombreux pays pour aider la population.
Parmi les habitants qui vivaient près de Gaza, beaucoup rêvent de pouvoir retourner dans leur kibboutz ou tout au moins dans leur maison. Une perspective encore lointaine vu la menace que font encore peser le Hamas et ses alliés.
De 9 heures du matin à 15 heures, Farida participe à la préparation du repas, le seul de la journée, puis au nettoyage. «Pour le soir, on laissait des cageots de nourriture afin que les gens puissent se servir. Comme il manquait d’argent, nous ne faisions à manger que du lundi au jeudi. Nous vivions de dons. Des gens qui devaient se déplacer, achetaient qui 5 kilos de poivrons, qui 3 kilos de pommes de terre. Des agriculteurs nous cédaient gratuitement leur récolte.»
Les gens dorment sur le sol avec un mince matelas.
Beaucoup de champs étaient laissés à l’abandon. «J’allais dans des fermes, les étables étaient souvent détruites, brûlées et abandonnées. Il aurait fallu planter, mais il est impossible de vivre dans ces lieux, car il y a constamment des roquettes qui arrivent. L’une d’elles est tombée à 300 mètres de l’endroit où je travaillais.»
Une application indique l’arrivée des roquettes. La population menacée a alors 15 à 20 secondes pour se mettre à l’abri.
Farida a rencontré quelques soldats. Le jour du massacre, ils sont allés dans les fermes et les kibboutz attaqués. Très vite, sans équipement adéquat. Quant aux combats à Gaza, ils les perturbent profondément. «Ils ne s’attendaient pas à cette guerre atroce, ils sont traumatisés d’avoir vu à quel point le Hamas utilise des enfants ou des vieillards pour les attirer dans des pièges et les inciter à tuer.» Au début, les soldats de Tsahal étaient sans protection efficace, ils se faisaient facilement abattre. «Certains sont devenus borgnes ou aveugles, car ils n’avaient pas leurs lunettes de protection. Beaucoup sont victimes de graves handicaps.»
Fange et abjection
Parenthèse: les Israéliens qui racontent leurs blessures physiques ou psychiques, repris par des réseaux sociaux, sont victimes de la fange des commentaires. Une incroyable abjection se porte aussi sur les victimes du 7 octobre. Des moqueries, des sarcasmes sur les bébés, les brûlés, les assassinés. On ne trouve pas une once d’humanité chez ces ignorants qui pensent avoir tout compris. La haine d’Israël dépasse l’empathie pour les Gazaouis.
Chacun raconte sa légende: les alliés du Hamas dans nos pays imaginent un pays appelé Palestine (qui n’a jamais existé), occupé par de paisibles Palestiniens et envahi brutalement par les Israéliens. Les Gazaouis et les Arabes de Judée-Samarie, eux, approuvent le 7 octobre, mais beaucoup nient les assassinats et les tortures de femmes et d’enfants. «C’est interdit par l’islam». La prise d’otages, leur maltraitance, l’absence de médicaments n’émeuvent pas grand monde. L’ONU et les ONG contestent contre toute évidence avoir vu le Hamas construire ses innombrables tunnels. L’objectif génocidaire du Hamas est devenue celle d’Israël contre les Gazaouis. L’hypocrisie et le mensonge sont partout, qui ciblent les agressés.
Penser que parmi les centaines de milliers d’alliés du Hamas dans nos démocraties, les uns sont déjà au pouvoir, et pour beaucoup d’autres près d’y accéder, c’est proprement terrifiant.
Quant à Israël, quel degré de résilience est nécessaire pour se relever de ce traumatisme collectif et faire face à une haine quasi mondiale de la part d’ignorants antisémites!
Le gouvernement estime à 20% les habitants qui souffrent de stress post traumatique. Ce nombre parait bien sous-estimé.
Quelques familles étaient hébergées dans l’auberge de jeunesse où travaillait Farida. «Les enfants, on ne pouvait pas s’en approcher, encore moins les toucher. Ils rejetaient les étrangers. Il y avait une chambre pour eux, mais ils ne voulaient pas dormir séparés de leurs parents. Je me souviens qu’on a donné un cadeau à l’un d’eux. Il a jeté par terre en disant «je ne veux rien, j’ai déjà tout perdu!».
A Tel-Aviv, un kibboutz accueille 400 enfants qui ont perdu leurs deux parents.
«Les kibboutz et les fermes près de la frontière n’étaient pas habités par des religieux. Des milliers de Gazaouis supplémentaires avaient été engagés peu avant le pogrom. Les habitants organisaient des rencontres, faisaient des activités avec eux. Ils voyaient que ces Gazaouis prenaient des photos, mais personne ne s’en étonnait. Ils ont découvert après l’attaque, qu’ils espionnaient pour Le Hamas. Celui-ci sait tout de notre religion. Leur chef, Yahya Sinwar, orgnisateur du massacre, a appris l’hébreu en prison. Ces chefs terroristes connaissent parfaitement nos rituels et les utilisent dans leur guerre.»
«Face à ce que vit Israël, ma résilience à moi, c’est la colère. Au retour, ma tête était toujours là-bas.»
Farida y est à nouveau.
très touchant