Quand la RTS et l’Université cultivent l’exécration de l’Occident

Une émission sur les médias se gargarise d’analyses antioccidentales. Et une exposition invite à lire tous les crimes de la colonisation sur des photographies « exotiques ». Le commerce de la repentance est toujours en plein essor. 

L’émission hebdomadaire Médialogues porte un « regard explicatif et critique » sur les médias, nous affirment ses producteurs. Ce samedi 4 janvier, la critique de l’Occident tenait la vedette.

Au menu, 20 minutes d’interview de Fathallah Daghmi, coordinateur du livre «Les médias font-ils les révolutions?» centré sur le rôle surestimé des réseaux sociaux dans les événements du Printemps arabe.

Nombre de journalistes ont une soif de contrition inextinguible. Et leur plaisir est décuplé lorsqu’un intellectuel venu d’ailleurs (quoique en l’occurrence prof à Poitiers et non au Caire) se livre à l’exercice.  

Avez-vous eu l’impression de voir dans l’océan d’articles, d’analyses et de dossiers qui ont déferlé durant le Printemps arabe des points de vue divers, des tentatives de décrypter une autre culture, des références historiques, des propos pointus de spécialistes? Illusion d’optique! Pour Daghmi, «l’Occident » n’a été qu’une vaste Pravda nantie de sa «grille de lecture». Elle a analysé ces révoltes «comme s’il s’agissait de la continuité de ce qui se passait dans le monde occidental».

Il a notamment échappé à ces journalistes qu’ils traitaient «de faits qui se déroulaient sur un autre continent et qui avaient une histoire singulière, différente du monde occidental». Forcément. Comparée à l’exceptionnelle propension des pays arabo-musulmans à l’ouverture aux cultures, l’Occident et son nombrilisme sont navrants.

Notre Pravda a attribué un rôle bien trop important aux réseaux sociaux par besoin d’une explication simple, «qui rassure», nous dit le chercheur. Elle n’a pas remarqué non plus que les manifestants revendiquaient leur dignité et non la liberté. Franchement, là, ça m’aurait intéressée. Cette revendication incessante de dignité m’avait frappée. Mais que signifie ce terme dans cette culture? Pas de chance, les deux compères avaient d’autres préoccupations.

Les nouveaux moyens de communication fournissent des outils de mobilisation et d’action aux masses arabes, affirme le professeur, mais dans le cadre du «Web capitaliste». Ouf, il l’a placé, même s’il n’en fait pas grand-chose. Ce Web «a réussi à intégrer tous les contestataires, mais dans un cadre». On ne voit pas où le chercheur veut en venir.

Le journaliste n’est pas rassasié, il y met du sien: cette accent mis sur les moyens de communication, «n’est-ce pas par volonté de glorification de la technologie occidentale, d’un camp culturel qui gagne sur l’autre?»

Bien sûr, bien sûr… opine le prof. «C’est une manière de mettre en avant la civilisation occidentale par rapport à d’autres civilisations.»

Le journaliste ne se lasse pas. Il en vient à la fausse vision du religieux qui aveugle l’Occident: «Vous soulignez que dans les pays occidentaux, lorsqu’un homme ou une femme politique revendique une croyance, cela n’induit pas la disqualification de sa démarche politique… Il y a deux poids deux mesures?»

Bien sûr ! Maurer et Morsi, quelle différence ?

L’expo d’images exotiques de deux commissaires… politiques ?

Nos chercheurs locaux n’ont rien à envier à Monsieur Daghmi. Bien au contraire ! Je suis tombée par hasard sur une exposition qui m’avait échappée, présentée au Parc Bertrand (beau parc genevois) l’été dernier. J’en ai fait la visite virtuelle.

unige_28528_1000.jpg« Clichés exotiques – le tour du monde en photographies 1860-1890», est une sélection de photos de la deuxième moitié du XIXe siècle achetées par un «riche héritier» genevois, Alfred Bertrand. Un passionné de voyages d’où il a aussi rapporté d’innombrables objets ethnographiques, des plantes et des roches.

L’expo est organisée par Jean-François Staszak et Lionel Gauthier du Département de Géographie et Environnement de l’Université de Genève.

Nos délégués du Ministère du Regret, de la Repentance et de la Coulpe* lisent tout ce qu’ils pensent de la colonisation et de la vilénie passée et présente de l’Occident sur des photos de gens et d’objets réalisées pour beaucoup dans l’atelier de photographes. Défilent alors les commentaires sur le pillage, la misogynie, le racisme, la prétention à une mission civilisatrice, le voyeurisme sadique (?), la «fixation érotique occidentale» (personnellement, c’est plutôt chez l’un d’eux que je la verrais), etc. etc.

Ces photos réalisées au moment où le tourisme prenait son essor sont néanmoins au service de la colonisation, car «il faut documenter le monde pour le dominer et l’exploiter».

On n’a pas changé (et on ne changera jamais)

Cette expo de salubrité publique est d’autant plus précieuse que les commissaires ne sont pas sûrs que «l’imaginaire occidental ait beaucoup changé». Il faut donc continuer à «démasquer les pièges cachés derrière l’attrait de l’exotisme qui continue d’alimenter notre voyeurisme». De même, l’érotisme malsain qui poussait à dévoiler les femmes (dans l’atelier du photographe) se traduit aujourd’hui par l’instrumentalisation du voile au service de la stigmatisation de l’islam.

Nos partisans de la repentance éternelle se scandalisent aussi de l’arrogance de Bertrand qui ose fustiger la pratique du bandage des pieds des Chinoises, « une tradition esthétique » disent les commissaires, et des Occidentaux-colons qui s’indignent de l’esclavage et du statut des femmes prisonnières des harems, ou des « supplices chinois ». Quand t’es coupable de tous les malheurs du monde, t’as pas le droit d’accuser.

Et personne ne sera étonné que les  journalistes qui ont présenté cette expo aient repris servilement la soupe servie par ces idéologues… à l’exception notable d’Etienne Dumont dans Bilan.

*Adapté de Philippe Murray