Le Coran, ses invectives et ses imprécations

Le livre saint des musulmans comprend un nombre impressionnant de condamnations contre ceux qui ne croient pas à son message. Laurent Lagartempe les a recensées.

 

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En faisant une recherche, je suis tombée sur des extraits d’un livre de Laurent Lagartempe cités par Alain Jean-Mairet dans un de ses anciens commentaires. A l’époque, je n’avais pas encore lu le «saint livre». Après m’y être plongée, j’ai exprimé mon impression ainsi :

« Le Coran est un livre qui fulmine. Il est empli d’éclairs et de coups de tonnerre, de menaces épouvantables, d’imprécations. »

Lagartempe documente ce sentiment, principalement à propos des non musulmans. Ce texte intéressera surtout ceux qui se sont prêtés à l’exercice ardu du langage d’Allah. Entre parenthèses figurent les références aux sourates et aux versets. J’ai ajouté quelques retours de paragraphes pour le confort de la lecture.

Extrait du Petit guide du Coran (pp. 22-27) :

«On remarque d’emblée la fréquence des expressions vindicatives, d’ailleurs explicitement voulues par le ou les auteurs: «Nous l’avons donc révélé dans un Coran arabe et y avons déployé des menaces» (XX 113). Et en effet un premier recensement montre que le texte est parsemé d’un bout à l’autre d’invectives et d’imprécations à l’adresse des «incroyants», dont nous ver­rons qu’ils sont divers, mais qui tous appartiennent à l’unique et universelle classe des non-musulmans. Les incroyants de toutes races et de toutes religions autres que l’islam ont pour lot commun d’être insultés, tourmentés, maudits, brûlés et tués par tous moyens imaginables. Dans la seule sourate II «La vache» figurent plus de 40 versets imprécateurs d’incroyants, dont on repère facilement les multiples expressions violentes et intransigeantes.

A eux le tourment, qualifié selon le cas de sans borne (versets 7 ; 114), d’affreux (10 ; 85 ; 104; 174), de terrible (165 ; 174), de honteux (90 ; 114). A eux la perdition (27), le malheur (79). Qu’ils soient les hôtes du feu (39 ; 82 ; 167 ; 217 ; 221 ; 257), de la combustion (24), de la fournaise (119), de la Géhenne (206). Ils sont dignes des pires insultes : ils sont comme des singes que l’on rejette (65) ; comme des bêtes (171), stupides (13),. aveugles (18), à humilier (61), sans recours (270). Voués à la malédiction de Dieu (88 ; 159 ; 161), à la colère de Dieu (6l), à la haine de Dieu (98), à la colère du Ciel (59). Chassez-les, combattez-les, tuez-les (191 ; 194 ; 244), appliquez-leur la loi du talion (178 ; 179).

C’est évidemment contrariant d’avoir à aborder un texte à caractère religieux sous l’angle de ce qu’il contient d’agressif et d’intransigeant. Mais n’est-ce pas là justement l’un des aspects caractéristiques du Coran? D’emblée la page 2 de la sourate II donne le ton avec pas moins de 6 versets colériques (7-10-13-18-24-27). La quarantaine de versets de cette sorte que l’on recense au total dans la sourate, qui en contient 286, donne le ratio moyen de 14% de versets colériques, soit 1,6 par page. On voudrait croire que cette première et principale sourate n’est pas représentative de l’ensemble et que le ton change dans celles qui suivent. Or on a vite fait de se rendre compte que ce n’est pas la pire, que le livre entier est émaillé des mêmes menaces et que la verve pour en exprimer l’âpreté ne cesse de s’amplifier.

Qu’ils meurent de rage (III 119), soient taillés en pièces (III 127), détruits (III 14l) ; jetez l’effroi dans leur cœur (III 151), combattez les clients de Satan (IV 76), saisissez-les, tuez-les où que vous les trouviez (IV 89-91), leur salaire sera d’être tués ou crucifiés ou d’avoir une main et le pied opposé coupés (V 33), cou­pez la main du voleur ou de la voleuse (V 38) ; âme pour âme, œil pour œil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, le talion pour les blessures (V 45) ; ils auront droit au breuvage bouillant de l’affreux tourment (VI 70), aux abîmes de la mort (VI 93) ; le Seigneur détruit les villes quand les habitants restent païens (VI 131), extermine ceux qui nient les signes (VII 72) ; frappez-les sur la nuque, frappez-leur les doigts (VIII 12), vous ne les avez pas tués, c’est Dieu qui les a tués (VIII 17) ; ils leur frapperont la face et la base du dos (VIII 50), un prophète n’a pas à faire de prisonniers avant d’avoir prévalu (VIII 67) ; les incroyants ne sont que souillure (IX 28) ; l’or et l’ar­gent seront surchauffés au feu de la Géhenne pour leur marquer le front, les flancs et le dos (IX 35) ; à eux le carcan (XIII 5), nous envahissons leur pays et les réduisons de toutes parts (XIII 4l),

nous allons détruire les coupables et vous installer à leur place sur cette terre (XIV 13-14) ; la Géhenne guette l’in­solent, il n’y boira que du pus, à petites gorgées qu’à grand peine il avalera (XIVcoran,lagartempe,imprécations 16-17) ; ils auront les yeux exorbités (XIV 43) ; tu les verras avec des tuniques de goudron et la face dans le feu (XIV 50) ; une flamme éclatante les frappe (XV 18) ; Dieu les enveloppera de faim et de peur (XVI 112) ; tu seras un infâme rebut (XVII 22), Dieu déchaîne sur eux un ouragan, une tornade (XVII 68), une eau comme du bronze en fusion leur brûlera la face (XVIII 29) ; nous ferons d’eux une moisson sans vie (XXI 15) ; on taillera des vêtements de feu pour les incroyants, on leur versera de l’eau bouillante sur la tête, leurs entrailles et leur peau en seront consumées. A eux les fouets de fer ; chaque fois qu’ils voudront en sortir, poussés par la souffrance, on les y ramènera (XXII 20-21-22) ; le débauché et la débauchée, fouettez-les chacun de cent coups de fouet (XXIV 2-4) ; quand vous ren­contrez des incroyants, frappez-leur la nuque jusqu’à les abattre et liez-les bien fort (XLVII 4) ; vous mangerez aux arbres Zaqqoum, vous vous en remplirez le ventre et boirez là-dessus de l’eau bouillante, vous boirez comme des chameaux assoiffés (LVI 52 à 55).

Un ratio impressionnant de versets colériques

Ce n’est plus seulement de la contrariété que l’on éprouve au fur et à mesure que l’on progresse dans cet impressionnant inventaire, mais de la consternation et de l’effroi. Le nombre des versets colériques repérables est au bas mot de 550 pour l’ensemble du livre, aux­quels s’ajoutent une centaine d’autres versets moins outranciers, mais plutôt désobligeants pour ceux auxquels ils s’adressent. Ces quelque 650 versets plus ou moins colériques conduisent au ratio global de 10% des 6235 versets du livre et de 1,8 en moyenne par page de texte (350 pages). Une telle fréquence confère au livre son caractère très particulier d’ouvrage d’intense et violente propagande. Ces versets ne contiennent pas, à proprement parler, le message qu’entend propager le Coran, mais ils en caractérisent le mode spécifique de propagation. Ce qui fait qu’il est naturel d’aborder l’étude en commençant par ce problème d’expression, dont le mode spécifique est une des originalités remarquables du livre.

La récapitulation et le rapprochement des termes que contient ce mode d’expression en font éclater le caractère véhément et violent, ce que l’on ne ressent que de façon confuse en parcourant le texte, où ces termes se trouvent disséminés. On se rend compte ici de ce qui se trouvera confirmé par la suite, à savoir que les répétitions constatées dans le livre, dont la fré­quence et le désordre empêchent de bien comprendre ce qu’on lit, sont au contraire ce qui permet de mieux faire émerger du sens, en récapitulant et en rapprochant tout ce qui se rapporte à chaque expression ou thème particulier. Bénéfice plus grand encore : pouvoir rapprocher des expressions analogues lorsqu’elles sont nombreuses, met à l’abri d’interprétations abu­sives telles qu’on en rencontre souvent, par exemple en isolant une phrase de son contexte. Les expressions analogues, lorsqu’elles sont nombreuses, s’éclairent et se renforcent les unes les autres, et leur dissémination dans tout le texte fait que l’on ne risque guère de rai­sonner hors contexte.

Les versets colériques sont le point sensible

Comment peut-il se faire qu’un ouvrage à caractère religieux puisse revêtir une tonalité aussi colérique ? Telle est l’interrogation qui vient aussitôt à l’esprit. On ne peut évidemment pas faire grief à l’ouvrage de son prosélytisme. Il est naturel pour qui croit vraiment de vouloir faire partager sa croyance, et les textes sacrés, ou en tout cas considérés comme tels par les reli­gions, ont tous une fonction pédagogique, mais dont on s’attend en principe à ce qu’elle soit fondée sur la raison la sensibilité ou les sentiments, non sur la damnation, la menace et la contrainte.

Le ton résolument colérique du Coran est si bien perçu par tous ceux qui l’approchent, que beaucoup s’ingénient à en atténuer la dureté, à commencer par les auteurs de traductions et autres arabisants, tous plus ou moins soucieux d’éviter de blesser les musulmans. Pour en avoir le cœur net, les francophones non arabisants, qui sont l’immense majorité, ne peuvent que s’en remettre aux traductions, exégèses et autres commentaires, dont les contradictions et controverses laissent planer un doute sur divers points d’interprétation de l’ouvrage, en particulier les plus belliqueux. Les versets colériques, qui sont la part la plus gênante du livre pour ceux qui se soucient d’en atténuer la violence, sont ce dont on évite de parler, sinon en en contestant la portée. Il est donc important d’essayer d’évaluer ce qu’il pourrait y avoir de fondé dans ces tentatives d’atténuation, et de voir en retour si l’effet produit par la récapitulation de versets colériques donnée ci-dessus, mérite ou non d’être tempéré.»

S’ensuit une tentative de vocabulaire comparé des invectives coraniques… Et la réponse à une observation récurrente: « La Bible aussi. » (pp. 36-37).

«Dans le cas particulier du Coran, il y aurait lieu de tempérer l’impression d’agression qu’on en reçoit, en considérant qu’il fut écrit en des temps lointains, obscurs, troublés, dont la barbarie ambiante pourrait expliquer la dureté. En réponse à cette sorte d’objection, on pourrait disserter longuement sur le haut degré de culture et de raffinement qui existait alors dans les deux empires Byzantin et Perse, ainsi que sur les écrits d’époque qui, loin de verser dans l’agression martiale, continuaient d’exalter les thèmes humanistes qui ont fondé l’Occident chrétien et dont on continue de se prévaloir.

bible3.jpgC’est au VIe siècle que fut rédigé le magistral code justinien, inspirateur fécond de toutes les formes de droit en pays chrétiens. Ecrire à ces époques lointaines était l’apanage de gens très cultivés, ouverts à la spiritualité, à la philosophie, à la poésie et autres thèmes aimables ou anecdotiques. La littérature martiale antique elle-même exprime souvent plus d’admiration ou de respect pour l’adversaire que de mépris ou de haine. Les descriptions de coutumes barbares et sanguinaires comme on en trouve chez Hérodote, Xénophon, César… ont le ton d’objectivité et de sérénité de l’historien.

Les nombreux cas de turpitudes humaines rencontrés au fil des livres de l’Ancien Testament, ont le plus souvent le caractère de récits historiques pris comme exemples de ce qu’il ne faut pas faire. Quant au Nouveau Testament, personne ne peut nier qu’il n’est dans son entier autre chose qu’une hymne à l’amour du prochain, gage et condition de l’amour de Dieu. Les rares malédictions prononcées par Jésus ne s’adressent qu’aux hypocrites de son propre camp, jamais à ceux du camp d’en face. On ne voit finalement pas ce que le Coran pourrait devoir, en matière de violence, au contexte sociologique et littéraire de l’époque à laquelle il fut écrit. Il aura même sans doute fallu attendre les temps modernes pour trouver dans l’histoire, des textes de violence équivalente, ceux qu’ont inspirés les idéologies totalitaires et athées du XXe siècle.

Admettons même que l’époque ait pu justifier la violence et l’intransigeance de l’écrit, ce qui est manifestement faux, pourquoi alors continuer d’en faire aujourd’hui une référence littérale et intangible? En fait, l’exceptionnelle violence de l’ouvrage lui confère autant de concordance avec ceux qui lui sont comparables dans le contexte contemporain, que de discordance avec ceux du contexte historique, dont il n’existe sans doute pas d’exemples aussi outrés. S’il y a quelque part faute d’anachronisme, ce n’est pas dans la manière d’interpréter le sens de l’ouvrage, mais dans le fait que les fidèles d’une religion adhèrent encore à la lettre du texte comme s’il venait d’être écrit. On se doit finalement de considérer comme de caractère entièrement contemporain un texte qui continue d’être lu, respecté et suivi par ses adeptes comme au temps où il fut écrit.»