Bernard Rougier dépeint «Les territoires conquis de l’islamisme» (1)

Le professeur et son équipe autopsient des quartiers contrôlés par le salafisme. Plongée en enfer.

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Ces «Territoires conquis de l’islamisme» sont racontés dans un ouvrage passionnant, singulier et terrifiant. Les auteurs appuient leur démonstration sur une analyse minutieuse d’une demi-douzaine de territoires situés surtout à Paris et dans la couronne parisienne, mais aussi à Toulouse et Molenbeek (BE). Ils décrivent les interactions existants entre des configurations locales, parfois même micro-locales, et les mouvements religieux du Moyen-Orient.

Selon Rougier, le salafisme, qui a conduit nombre d’adeptes au djihadisme, est en pleine expansion.

Les questions que ce courant se pose sont édifiantes :

«Devons-nous parler aux mécréants?» «Peut-on travailler avec des femmes?» «Celui qui travaille dans un restaurant qui sert du porc peut-il recevoir une récompense dans l’au-delà?» «Les frères qui font le métier de chauffeur de taxi ont-ils le droit de charger des femmes mal vêtues…?» «Un homme peut-il épouser une chrétienne?» «Pourquoi les chiites complotent-ils contre l’islam?». Selon les textes cités, la pire des réponses est toujours la meilleure. Comme celle-ci: un bon mécréant tel l’abbé Pierre ne peut-il pas être sauvé? Non, car «il commet le plus grand crime qui soit: la mécréance et le chirk». (le fait d’associer une autre divinité à Dieu, par exemple un fils).

Pour les salafistes, la France, ses institutions et l’Occident en général sont décadents, dangereux et agresseurs: «…l’islam interdit aux musulmans de faire l’éloge des mécréants, de glorifier leur civilisation et leur culture, d’admirer leur morale en oubliant leurs croyances dévoyées et leur religion corrompue.» Quant à la laïcité, c’est «une machine de guerre contre l’islam».

 Les liens de ces extrémistes avec l’Arabie saoudite et le Yémen, mais aussi l’Algérie du GIA, jouent un rôle majeur dans leur prise de pouvoir. Beaucoup de jeunes vont s’imbiber de cet islam archaïque en suivant des études à Médine ou à Dammaj au Yémen. Ces expériences permettent de comprendre l’influence de la péninsule arabique en Europe et «la définition et la légitimation de la norme islamique en France».

On ne connaissait pas le pire

On croyait à la lecture d’autres enquêtes avoir découvert le pire. Illusion… Les chercheurs, dont plusieurs doctorants d’ascendance maghrébine et sub-saharienne qui se sont immergés dans ces territoires, décrivent une variante saoudienne de l’islam «le plus conservateur et le plus littéraliste». Ses théoriciens sont fixés sur les premiers temps de cette religion, ses conquêtes et sa violence. Et ils puisent sans retenue dans l’immense chaudron des hadiths.

Les salafistes ne sont pas seuls à islamiser l’Occident: «…au cours des trente dernières années l’islamisme a pris, très largement, le contrôle de l’islam de France», observe Rougier devant une commission du Sénat qui l’a invité en décembre 2019 à. «Les imams ne sont pas tous islamistes, mais une grande partie d’entre eux le sont.» Font partie de cette galaxie: les Frères musulmans (dont le courant turc), les groupes salafistes, le Tabligh et les djihadistes. Ces tendances sont en concurrence, mais «se retrouvent quand il s’agit de se définir par rapport et en opposition à la société française. Tous partagent ainsi une même détestation de la laïcité

En vedette dans les librairies

Les salafistes fonctionnent par mimétisme, ne s’intéressent qu’aux rituels, interdits et obligations et bachotent pour ne pas dire radotent à partir de leurs références théologiques. Les ouvrages de leurs «savants» garnissent les rayons des librairies islamiques:

«Tout ce qui relève de la spiritualité, du soufisme ou d’une vision intellectuelle, on le trouve à la Fnac, mais pas dans les librairies islamiques», relève une chercheuse.

Qu’enseignent les prédicateurs et les cours des mosquées ?

«… qu’il ne faut pas serrer la main d’une femme, qu’il ne faut pas s’asseoir sur une chaise sur laquelle une femme se serait assise, qu’il ne faut pas choisir ses amis parmi les juifs et les chrétiens, qu’il ne faut faire allégeance qu’à des musulmans, etc. Il s’agit d’extrapolations dérivées des hadiths…» (déclaration au Sénat)

Bernard Rougier estime que ces groupements respectent la loi, ce qui parait surréaliste. Mais la liberté de religion est protégée par un si grand chapeau!

«Cette idéologie trace une frontière infranchissable entre les vrais musulmans d’une part et tous les autres d’autre part. Il offre ainsi une légitimation au jihadisme dans sa condamnation absolue du libéralisme occidental.»

L’islam quiétiste, fond de sauce du jihadisme

Et de ces jihadistes qui ont formaté ou ont eux-mêmes été formatés dans ces quartiers, on en croise un certain nombre dans l’ouvrage, dont les frères Merah et leur sœur, et les frères Clain, propagandistes de l’EI tués en Syrie. L’idée que le salafisme «piétiste ou quiétiste» est paisible et sans danger vole en éclats.

Aujourd’hui encore, on l’a constaté durant la crise du coronavirus, les braises sont ravivées à chaque étincelle. Les islamistes des quartiers analysés dans cet ouvrage ont participé aux embuscades, émeutes, attaques de policiers, charges au mortier…

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Les frères Clain tués en Syrie

Les auteurs décrivent une forme de sédition, de conjuration contre l’Europe et l’Occident, une idéologie qui fait chaque jour son lot de victimes. Une idéologie qui enferme les femmes, dans une «camisole de règles divines» hallucinantes.

Le lecteur a envie de crier, de hurler, de demander pourquoi les autorités et tant d’«intellectuels» ont laissé faire, pourquoi l’armée n’est pas intervenue… Et comment il est possible de laisser ces démons aujourd’hui encore, alors que la menace est aussi limpide, tisser ce canevas de haine pour des milliers d’enfants qui seront la France de demain.

Une démence dangereuse et contagieuse

Le livre analyse l’histoire idéologique, le paysage démographique, la naissance des prescripteurs de quartiers: Aubervilliers, Argenteuil, Champigny-sur-Marne, Tremblay-en-France, Mantes-la-Jolie, des quartiers toulousains et Molenbeek en Belgique. Une enquête qualitative donc.

Jamais un honorable professeur ne le dira, mais puisque je le peux, voici ma conviction: ces musulmans souffrent d’une forme de démence dangereuse et contagieuse. Le fait que ces fous aient un «idéal», qu’ils attendent un prophète qui annoncera le jugement dernier, ne les rend pas plus équilibrés. Et la question se pose, une fois de plus, de tous ces «frères et sœurs» modérés qui n’ont jamais eu la moindre velléité de lutter contre cette mortelle épidémie.

La volonté d’Allah? Des femmes soumises au désir du mari

Le licol enserre tôt le cou des brebis. Leurs prescripteurs reprennent la version chrétienne d’Adam et Eve, et y ajoutent une variante: Allah a créé la femme à partir d’une côte de l’homme, mais une côte tordue… Et puisqu’incomplète au physique comme au mental, la malheureuse doit être éduquée, formée, surveillée. Heureusement, Allah, commente l’un des adeptes, a créé toutes sortes de règles «qui vont nous aider à vivre avec elle malgré qu’elle soit tordue».

L’homme est supérieur, il dirige et la femme doit lui obéir. «Ça, il faut que la femme, elle le reconnaisse de bon gré», souligne un salafiste. Et apparemment, les soumises se multiplient. Encore une folie qui nous échappe.

Lors de prédications du Tabligh -l’un des courants les plus obscurantistes et les mieux organisés- des dizaines de femmes sont assises par terre en tailleur dans des appartements. Elles écoutent le chantre d’Allah dissimulé derrière un rideau, car un homme n’est pas autorisé à voir une femme en dehors de celles de sa famille. Divisées en groupes, elles mangent dans le même récipient, avec trois doigts -comme le prophète- et ne parlent pas.

Une tenue islamique est évidemment le lot de toutes ces femmes, principalement le djelbab qui ne laisse voir que l’ovale du visage, mais aussi de beaucoup d’hommes qui portent le qamis.

Un des guides spirituels impute les violences faites aux femmes à leur refus d’obéir aux exigences sexuelles de leur mari… Elles provoquent les coups. Et à cause de l’ingratitude plus générale manifestée envers leur époux, elles sont «les plus nombreuses à faire partie du combustible du feu de l’enfer». Cette étrange doctrine fait dépendre le contentement de Dieu de celui de l’époux vis-à-vis de son épouse.

Dans un des hadiths cités, Mahomet résume le statut féminin: «…je vous recommande le bon comportement envers vos épouses, car elles sont comme des captives auprès de vous».

Notre éducation égalitaire, ces hallucinés le sentent, risque de miner le socle de leur idéologie: «(…) c’est lui [le mari] qui gère, c’est lui qui dirige l’affaire de la femme et l’affaire du foyer. Ça, c’est important mes frères! La femme qui rentre dans le mariage et qui ne sait pas ça, surtout si elle a grandi en terre de mécréance et qu’elle a été à l’école, plus ou moins, jusqu’à un certain niveau, elle a du mal à comprendre ce genre de préceptes.»

Autre grave menace pour les islamistes: grâce aux aides sociales, une femme peut s’assumer seule. «Les moyens qu’ils ont donnés, les ennemis de l’islam, aux femmes dans ce pays-là. (…) leur faire croire qu’elles peuvent vivre en totale indépendance de leur mari ou d’un quelconque tuteur. Et ça c’est une grande tromperie. (…) Allah n’a pas créé la femme comme ça, il l’a créée faible.»

La possession et l’obsession

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Le principe islamique «de l’Alliance et du Désaveu» est largement partagé. Il exprime, explique un adepte, «l’amour des croyants et la haine et l’animosité vis-à-vis des mécréants, en les désavouant, eux et leurs religions».

Une pratique originale, la roqya, prend une place non négligeable dans cette doctrine. C’est une sorte de désenvoûtement, et des imams exorcisent les victimes moyennant finance. L’un d’eux donne des exemples de symptômes: «le rejet de la religion, une forte migraine, la paresse, le fait de parler seul ou de ne pas supporter l’écoute du Coran».

Les salafistes sont des obsédés de pureté. Les auteurs citent l’attention minutieuse portée par certains à la purge des cavités nasales lors des ablutions. Il faut expulser toutes les impuretés. À partir d’un hadith, un initié promet «le châtiment et la perdition pour celui qui ne se lave pas intégralement les talons».

Ils rappellent plus généralement qu’il est interdit «de tenter de ressembler aux mécréants dans ce qui leur est spécifique, qu’il s’agisse de coutumes, d’adorations, d’allure ou de comportement, comme le fait de se raser la barbe, de se laisser pousser les moustaches, d’utiliser leur langue – sauf en cas de nécessité – de s’habiller comme ils le font, de manger ou de boire pareillement à eux, et autres actes similaires. » Gageons que les salafistes ont participé en masse aux récentes manifestions contre le racisme.

Le devoir de prosélytisme

Le prosélytisme est un élément majeur de l’islam en général et de cette doctrine en particulier. Il cible les jeunes, dont les mineurs. La mosquée est le point de ralliement du quartier.

Le mouvement Tabligh, venu d’Inde, est très actif en Île de France. Son centre, la Markaz est situé à St Denis. Le cheikh Younès a mis sur pied une incroyable organisation prosélyte. Des missionnaires de toutes nationalités et de tous pays rallient le quartier général qui coordonne les activités. Le but: faire venir les proies à la mosquée. Les missionnaires en turban et barbe arpentent les rues. Ils recrutent dans les salles de sport, sur les terrains de foot, dans des lieux créés par la municipalité pour les loisirs des jeunes.

La stratégie est au point: «quand il y a des jeunes, on essaie d’être ouverts, d’être souriants». Celui qui s’adresse à eux n’est pas un inconnu, mais un ami d’enfance, un ancien voisin ou une personne de la même origine. Le destinataire du message se sent alors appartenir à une communauté. Cette tactique connait un franc succès. Les chasseurs ne s’adressent jamais aux femmes puisqu’ils n’ont pas le droit de les regarder.

L’activité professionnelle est plutôt dévalorisée chez les tablighis, de nombreux adeptes se contentent du chômage ou du RSA (revenu de solidarité active) pour se consacrer à la prédication.

Progressivement, les quartiers se muent en espaces «hallalisés»: magasins, restaurants, cybercafés lieux de culte, espaces de consommation, de loisir. Alexandre Mendel montrait déjà ce processus et ses conséquences dans son enquête.

Une France tellement haïe

Ces salafistes expriment leur haine de tout ce qu’est la France, mais accusent les Français de les détester. Ils invoquent des versets qui «dévoilent les sentiments internes des mécréants, la haine cachée qu’ils vouent aux musulmans, les complots félons et traîtres qu’ils fomentent contre nous, le désir de nous causer dommages et préjudices par tous les moyens et le profit qu’ils tirent de la confiance que les musulmans leur accordent pour dresser des plans de nuisance à leur encontre ».

Pour Rougier, comme pour tant d’autres, le terme islamophobie a été inventé pour intimider les citoyens lucides et critiques, et permettre ainsi de faire avancer l’agenda islamiste.

Rougier reconnait que «les composantes de l’islamisme fonctionnent de manière dialectique: les attentats jihadistes fournissent aux Frères musulmans l’occasion d’élargir leur influence auprès des pouvoirs publics, au nom de la lutte contre la radicalisation.» Pourtant, dans son livre, ces Frères musulmans semblent presque en voie de disparition, il en parle très peu. Et ceci alors que leur empreinte s’affirme partout. Del Valle et Razavi viennent de leur consacrer 460 pages («Le projet») fort documentées; Chesnot et Mabrunot («Qatar Papers») montrent comment ils gagnent du terrain. D’autres enquêtes, telles celles de Joachim Véliocas («Les mosquées radicales») décrivent de nombreux aspects de ce radicalisme.

Si l’on ajoute tous ces islamistes aux salafistes, le résultat de l’addition est effrayant.

L’appartenance à la communauté prime tout, le contrôle social est total.

Prochain article des «territoires »: les dégâts du clientélisme et la recherche des solutions