« Un jour précis, j’ai décidé d’apostasier »

Quitter l’islam lorsque sa famille est très religieuse est un cheminement semé d’obstacles. Témoignage.

 

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Elle a 19 ans et une folle envie de libertés. Elle est vive et débrouille, fière d’avoir quitté l’islam malgré tous les obstacles. Elle adore le débat, qu’elle pratique avec passion et tolérance. Elle a découvert l’ASVI sur Twitter et a pris contact par le site de notre association. Elle est née en Suisse romande de parents musulmans originaires des Balkans. Ils sont très religieux.

As-tu été une pratiquante fervente, suivi les prières journalières, le ramadan, les fêtes, fréquenté une mosquée?

Oui, sauf la mosquée, car il n’y en avait pas pour notre origine ethnique. À neuf ans, j’ai commencé un entraînement pour le ramadan. Dès la puberté j’ai dû m’y soumettre entièrement. Je l’ai fait jusqu’à 16 ans et là, j’ai commencé à manger au gymnase. J’étais obsédée par l’idée de manger! Jeûner toute la journée, ça demande une grande énergie mentale. Et c’est tellement violent!

J’étais à l’école, je réfléchissais, j’ai cherché des sites d’ex-musulmans. Ils ont tellement raison! Je me souviens d’une prof d’histoire très cultivée qui parlait de la religion chrétienne, la moins pire, mais qui prônait des choses limite par rapport aux femmes. En Europe heureusement, on a eu les Lumières.

Les weekends étaient difficiles. Je regardais des sites d’ex-musulmans qui comme moi n’avaient rien dit de leur éloignement de l’islam à leur entourage. Durant le ramadan, certains mangent dans un meuble. Ils appellent ça «le resto de l’armoire». Parler avec eux m’a beaucoup aidée.

Et le foulard?

Je n’étais pas obligée de le porter, mais j’écoutais beaucoup un imam extrémiste qui plaidait constamment pour le voile. À 12 ans je me suis dit «je dois le porter, ainsi Dieu m’aimera plus». Et je l’ai fait! Je suis allée à l’école avec un foulard et une robe informe. Je me suis sentie tellement mal, tellement ridicule! Ça n’a duré qu’une journée.

Ensuite, le cheminement a été long. J’ai lu le Coran à 13 ans. C’est indigeste, cruel, ça n’a pas de sens, il y a des propos violents contre toute personne qui n’adhère pas à l’islam.

Vers 14 ans, j’ai découvert ma bisexualité. J’ai réalisé alors que dans cette religion j’aurais pu me faire tuer. Après ça, j’ai commencé à lâcher, à me détacher inconsciemment.

Et tes copines musulmanes, quelles réactions ont-elles en lisant le Coran ?

Mais elles ne le lisent pas! Je suis sûre que si elles le lisaient, elles fuiraient! L’une d’elles aimerait beaucoup quitter cette religion, mais elle reste par peur, peur de l’enfer, et du prix à payer. Elle voit par quoi je passe.

Comment as-tu senti que l’islam te pesait?

Je regardais mes copines non-musulmanes. J’avais envie de porter une jupe courte ou des shorts si ça me plaisait, de sortir avec des copains et copines. Je ne pouvais pas sortir sans mon frère. Je voyais aussi que les garçons musulmans avaient bien plus de libertés. A 14-15 ans j’ai manifesté les premiers signes de rébellion qui ont été très mal pris par mes parents.

L’Etat islamique m’a beaucoup marquée par rapport à cet «islam de paix» qu’on nous vante, il me semblait impossible qu’une religion pacifique connaisse une telle dérive. On nous disait «ce ne sont pas des musulmans»… Mon entourage dit aussi «il faut voir le contexte» à propos des textes choquants. Ou alors: «C’est un problème de traduction»… alors qu’ils ne parlent même pas arabe!

Y a-t-il eu un moment ou un événement précis qui t’a décidée à quitter définitivement cette religion?

J’ai connu un Islandais par Internet. On a commencé à parler de plus en plus de religion. Il a été très subtil… Il m’a dit d’abord: crois-tu à la théorie de l’évolution? J’ai dit non. Il m’a demandé mes arguments et très en douceur, il m’a montré la réalité. Il m’a posé d’autres questions, je cherchais des réponses dans le fatras islamique et je ne trouvais pas. Il a été fondamental dans ma décision de quitter cette religion.

Et maintenant, tu l’as quittée?

J’ai décidé un jour précis d’avril 2018 d’apostasier, seule à la maison. Puis je suis allée fêter ça avec une amie. Je n’avais jamais bu d’alcool et j’ai bu trois ou quatre bières. Je planais…

Le chemin a été long et tortueux, mais j’ai trouvé ma route. Je suis agnostique. Je pense que toutes les religions sont des inventions. J’avoue que je ne l’ai pas encore dit à ma famille. J’ai quand même ces menaces en tête, le fait d’être tué lorsqu’on apostasie.

Es-tu marquée par un souvenir particulier?

Alors que je ne croyais déjà plus à tout cela, j’ai fait le voyage à la Mecque. Je n’ai pas pu m’y soustraire. C’est la pire expérience de ma vie!

Je ne voulais tellement pas défiler autour de cette pierre, que j’ai fait comme si j’avais mes règles, ce qui m’interdisait de prier. En islam, quand on a ses règles, on est sale. Certaines familles font prendre des médicaments aux filles pour qu’elles n’aient pas leurs règles pendant ces moments. J’ai fait comme si je les avais eues 7 jours sur 10! J’ai tout de même dû tourner autour de cette pierre, et je me suis fait palper deux fois par un type. On est tellement serrés, beaucoup d’hommes en profitent, tout le monde le sait, mais personne n’ose rien dire. Aucune femme n’oserait crier, ni même protester lorsqu’on l’agresse. D’ailleurs, il y a un mépris incroyable des femmes là-bas. Un mépris que je retrouve en plus atténué chez les musulmans d’ici. Dans la rue, j’ai vu un policier à qui une femme a demandé si elle pouvait prier à tel endroit. Il a attrapé le sac d’une autre et l’a frappée. Sans aucune raison.

Les hommes sont relax, souvent en T-shirt, alors que les femmes sont hyper couvertes. Ils fument beaucoup, il y a plein de mégots partout.

J’ai parlé à une jeune femme en niqab, 19 ans, mariée avec un enfant. Je lui expliquais que j’allais seule au collège, que je ne portais pas de voile. Ce n’était pas grand-chose, mais on aurait dit qu’elle découvrait une autre planète! J’ai aussi parlé à l’employé libanais qui faisait les chambres de l’hôtel. Il était tellement gentil! Mais on s’est fait immédiatement couper par un chef. 

Durant cette période, j’étais constamment oppressée.

Comment vois-tu ta vie future?

Je sais que je veux avoir des enfants, je ne veux pas arrêter ma «lignée»… alors que je viens de la commencer! J’ai très envie de voyager. Pour l’instant, j’ai choisi de devenir prof. Le savoir m’intéresse. Le savoir, c’est ce qui nous permettra de gagner cette « guerre ».

Je m’imagine aussi être un soutien, un exemple pour les jeunes, éviter qu’ils ne tombent dans l’extrémisme. J’ai envie d’écrire…. Je l’ai déjà fait enfant. Je m’étais créé un monde où je pouvais déconnecter de la réalité. J’aime la fiction, créer, imaginer, me mettre à la place d’un autre et me demander: que ferais-je à sa place? 

Et sur le plan politique ?

Socialement, je suis à gauche. Je suis féministe, sympathisante LGBT. Mais je ne supporte pas l’attitude des socialistes, et notamment qu’ils aient abandonné l’idée que la religion est l’opium du peuple.

Je suis d’un antiaméricanisme primaire, je n’aime pas cette société qui s’est basée sur le racisme. Mais le racisme est aussi très présent parmi les musulmans. Je l’ai senti moi-même, car je suis blanche et c’était comme si notre parole était moins légitime. Vis-à-vis des noirs, les musulmans sont très racistes.

Je connais des gens qui sont retournés dans leur pays parce qu’ils trouvaient la Suisse trop mécréante. Mais quand ils se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas d’argent, ils sont vite revenus. S’il y a un mariage dans mon pays, des femmes scannent toutes les jeunes filles suisses qui sont là, puis elles font des téléphones: est-ce qu’une telle est intéressée à épouser mon fils? C’est souvent pour décrocher un permis.

Les musulmans se font passer pour des victimes jusqu’à ce qu’on découvre que des personnes comme moi se font insulter, voire tuer. En Suisse, des femmes se font battre au nom de la religion. Je connais une fille qui n’a jamais pu sortir, sauf pour l’école. Et à 19 ans, on l’a mariée. Pour moi l’islam est un enfermement mental, une religion mortifère. C’est barbare. Ça ne devrait plus exister, en tout cas dans la forme actuelle.

D’une manière générale, les musulmans que je connais n’ont pas de culture générale, c’est une génération d’ignares. J’aimerais qu’on ait aujourd’hui un Voltaire et un Nietzsche. Ils nous manquent.

Ressens-tu une blessure?

Je vois un psy toutes les semaines. J’ai de l’eczéma. On appelle ça un symptôme du «stress traumatique religieux», parait-il. Je me suis longtemps demandé: que va-t-il m’arriver? C’est l’idée d’être seule s’ils découvraient que je quittais cette religion… A certains moments, on ne sait plus très bien qui on est. C’est une détresse, c’est douloureux, ça fait mal.

J’espère qu’un jour dans ma vie, je n’aurai plus de haine envers ce monde… seulement du dégoût.