Ramadan-Neirynck: tout était déjà dit

La télévision suisse  romande consacre une heure à l’affaire Ramadan. Reconnaissons-le, la chute du Prince nous réjouit. De même que l’embarras des médias suisses qui durant des décennies ont propagé l’idéologie de l’islamiste.

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Tariq Ramadan a fait trop de dégâts dans nos mosquées, qui l’adulent, et en France, où il n’a cessé d’injecter son poison anti-français et anti-occidental. Il est tombé, enfin! Hélas pas grâce à la perspicacité des journalistes.

Et puisque son ami Jacques Neirynck est invité, c’est l’occasion de rappeler ce que les deux complices se disaient dans un livre-interview paru en 1999, « Peut-on vivre avec l’islam? » Tariq Ramadan montre déjà son idéologie intégriste et tente de faire passer ses pilules littéralistes à l’aide d’explications nébuleuses. Il refuse la moindre critique de sa doxa et étale sa misogynie. Enfin, la détestation de l’Occident qu’il ne cesse de brandir devant ses fans apparait déjà en pleine lumière. Le texte qui suit est presque intégralement tiré de mon livre, «Islamophobie ou légitime défiance?» paru en 2009.   

 «Rhéteur hors pair, magicien de la parole, Tariq Ramadan réussit souvent à dire le fond de sa pensée -intégriste- en donnant l’impression qu’il vient d’exprimer le fond de la nôtre –progressiste. Un maître indépassable!» Il a entraîné de nombreux femmes et hommes de gauche dans son combat pour l’obscurantisme, et partout, une majorité des journalistes le considèrent comme un partisan comme eux du dialogue, du multiculturalisme, voire… du féminisme.

Il est donc intéressant d’examiner la facette misogyne de la pensée intégriste par le biais de ce moderniste qui alimente sans trêve l’intégrisme européen en France, en Grande-Bretagne et en Suisse.

Ses réponses à Nicolas Sarkozy à propos de la lapidation, lors d’une émission télévisée de novembre 2003, sont exemplaires de l’ambiguïté de son discours. Rappel.

La lapidation, Tariq a fini par dire, poussé dans ses retranchements, qu’il n’est pas pour. Et même, qu’il est plutôt contre, et qu’en plus, elle est inapplicable. C’est pourquoi, il a déclaré demander un moratoire aux religieux qui dictent la loi afin de discuter d’une suppression éventuelle. Pourquoi ne pas appeler immédiatement à la suppression? Parce que, nous chuchote-t-il à l’oreille, mes coreligionnaires ne sont pas encore prêts à l’entendre. Alors, pour ne pas les froisser, pour les convaincre en douceur, je ne demande qu’un moratoire.

Les musulmans pro-lapidation sont-ils des malentendants ou des imbéciles?

Le moratoire n’avait aucune chance d’être accepté vu le radicalisme ambiant des savants en général et des amis de l’islamologue en particulier. Et Tariq Ramadan, qui entretient ce radicalisme, le sait. Il a néanmoins lancé avec fracas – en Occident! – son appel au moratoire, qui a fait comme prévu un grand flop.

En réalité, les fondamentalistes n’ont pas le droit de dire tout simplement «cette barbarie doit disparaître», puisqu’à plusieurs reprises, Mahomet l’infaillible en a ordonnées. Tariq Ramadan a donc trouvé un biais: il affirme que la lapidation est inapplicable, notamment parce qu’elle nécessite quatre témoins qui ont assisté à l’acte. Mais si par extraordinaire quatre témoins  ont vu les ébats, Tariq Ramadan approuve-t-il la lapidation?  De même que lorsque le ou la coupable -90% des condamnés sont des femmes- avoue son «crime», comme lors des condamnations de Mahomet? Sans compter que la sanction inapplicable a été appliquée à de fort nombreuses reprises depuis l’exemple du prophète.

Ramadan ne condamne pas la polygamie, autorisée, rappelle-t-il, jusqu’à quatre femmes. Mais attention, souligne-t-il, c’est une permission et pas une obligation (sic !), et le monde tend vers la monogamie. Mais «des circonstances sociales particulières ou des situations spécifiques dans un couple peuvent amener à ce que la solution de la polygamie soit envisagée». Et la fiancée peut stipuler dans son contrat de mariage qu’elle ne veut pas d’une deuxième épouse. Une demande si facile à exprimer à un mari forcément bon, versé dans les écritures, qui  acceptera sans hésiter…

Les hommes, eux, n’ont rien à ajouter dans le contrat: leurs droits figurent dans les textes sacrés.

Tariq Ramadan confirme l’interdiction de l’avortement « sauf dans la situation, établie par consensus entre les savants, où la vie de la mère est en danger. » Un aréopage de savants dont on ne sait jamais où il se trouve et qui le compose.

L’autorisation d’avorter pourrait aussi être accordée dans d’autres « cas singuliers, spécifiques ou extrêmes » (exemple donné: un enfant handicapé s’annonce, ce qui angoisse le couple).

L’usage de la contraception est également prohibé par l’islam. Mais là encore, il existe des autorisations exceptionnelles accordées par les religieux, et lorsque l’usage de la contraception est «naturel».

D’après le Coran, seuls les hommes peuvent divorcer. Le terme du Livre saint est « répudier » que Tariq Ramadan évite. Ce qui ne l’empêche pas d’affirmer qu’au début de l’islam, « les hommes prononçaient la triple formule du divorce (réd: « je te répudie ») de façon inconsidérée. »

Aujourd’hui, pour éviter d’être répudiée, l’épousée peut, précise-t-il, faire inscrire certaines clauses dans son contrat de mariage. Toujours aussi facile pour des femmes à l’esprit d’indépendance tellement apprécié dans leur religion.

Malgré ces considérations nébuleuses, le prédicateur reconnaît aux femmes le droit de divorcer… Quitte à ignorer l’unilatéralisme du Coran. C’est donc possible?

Selon le Coran, un voleur doit être puni par l’amputation d’une main. Impossible de rejeter ce qu’a prononcé Allah. Alors, le professeur imagine, comme d’ailleurs son frère Hani – et comme dans le cas de la lapidation -, que ces peines sont assorties de telles conditions –en l’occurrence une société juste et éduquée – qu’elles sont « inapplicables ».

Dans une société juste et éduquée, les amputations seraient donc applicables… et acceptables?

En tout cas, ces châtiments gardent toute leur importance par l’enseignement qu’ils transmettent: « La fornication et l’adultère sont des choses très graves devant Dieu, de même que  sur  le plan social », affirme Tariq Ramadan.

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A ce moment, ô surprise, Jacques Neirynck insiste (surprise, parce que tout au long des pages, il exprime son admiration pour la religion de son interlocuteur et ne manque pas une occasion de déconsidérer nos sociétés): est-ce que la peine de mort pour adultère est inscrite dans la charia? Tariq Ramadan ne peut le nier. Mais il existe, rassure-t-il, des divergences importantes entre savants « quant aux modalités de ce respect et à la latitude  d’interprétation et d’adaptation« .

Mais la liste des discriminations n’est pas close : lorsque des couples mixtes dont le mari est musulman se séparent, la garde des enfants revient selon le « droit islamique » au père. Jacques Neyrinck évoque les drames de ces mères auxquelles on enlève leurs enfants et à qui souvent, le droit de visite est refusé. Tout cela est beaucoup moins choquant lorsque l’on connaît l’islam, justifie Tariq Ramadan. Mais il ne faut pas que les hommes abusent!

Comment les en empêche-t-il ? Mystère.

L’interviewé exprime cependant le souhait que les travailleurs sociaux, juges et tribunaux occidentaux rectifient leur fausse vision de l’islam qui les « poussent à donner plus vite crédit aux dires des femmes. »

« L’islamologue » fait résonner des phrases similaires à celles que l’Église chrétienne utilisait pour justifier la subordination desdites femmes: « le principe, dans le mariage, est l’égalité des êtres et la complémentarité des rôles et des fonctions ».  La différence de fonction, c’est que l’homme entretient la famille et que la femme élève les enfants. Mais celle-ci a, décrète Tariq, un droit absolu à l’éducation et au travail (si sa grande famille lui en laisse le temps).

Tariq Ramadan justifie le droit des hommes à épouser une juive ou une chrétienne (Jacques Neyrinck n’oserait pas imaginer l’éventualité d’une athée), et le fait que « l’inverse n’est pas possible« . Il reste donc interdit à une musulmane d’épouser hors de sa religion. L’islamologue confirme aussi l’interdiction de l’homosexualité. Mais il rappelle la grande ouverture du l’islam à propos de la sexualité agréée: dans un couple légal, tout est permis « sauf la sodomie ».

Mais pourquoi pas la sodomie?

En analysant les cassettes et conférences du prédicateur, la journaliste Caroline Fourest a fait d’autres trouvailles. Tariq Ramadan conseille aux filles de ne pas participer aux activités sportives, et à ses troupes d’éviter les touchers de paumes mixtes: «Essayez de l’éviter, mais quand on vous tend la main, vous donnez la main.» Il condamne les relations sexuelles  avant le mariage et la présence d’un homme et d’une femme non mariés seuls dans une pièce. Il s’oppose à la fréquentation des piscines mixtes et ceci pour les deux sexes.

Les féministes version islamique

Les féministes islamiques existent. Mais elles  sont sommées de ne pas nous ressembler. Au début de la discussion sur ce thème,  on pourrait pourtant s’y tromper. Tariq Ramadan soutient les musulmanes qui luttent « contre l’archaïsme et l’obscurantisme de leurs sociétés », contre « les discriminations et les mauvais traitements que subissent les femmes tant au niveau du droit que sur le plan simplement physique », ou encore contre des traitements masculins « totalement discriminatoires et inhumains à l’endroit de l’épouse ».

Le diagnostic de Ramadan rejoignant le nôtre, on pourrait en conclure que féministes occidentales et islamiques peuvent combattre main dans la main.

Eh bien non, car l’un des cauchemars du prêcheur, c’est que des musulmanes s’inspirent de l’Occident. Penser que « plus une femme est occidentalisée, plus elle est libérée », dit-il à son interlocuteur, c’est une perception « très réductrice », et un des signes de notre impérialisme culturel. Ainsi, Taslima Nasreen, féministe militante obligée de fuir le Bengladesh pour éviter la mort, n’a pas le moindre mérite à ses yeux vu son « discours réducteur et totalement occidentalisé ».

Y a-t-il donc un modèle islamique? Oui: « l’évolution du statut des femmes iraniennes a été particulièrement impressionnant » (…) « l’Iran est sans doute l’un des pays musulmans qui a fait le plus de progrès, ces vingt dernières années, quant à l’évolution des droits de la femme (…) L’évolution, lente, pénible, mais réelle, se fait de l’intérieur du champ de référence musulman.« 

La tolérance face aux mutilations sexuelles n’épargne pas le prosélyte:  « (…) certains savants ont pu parfois faire référence à des dires du Prophète qui auraient laissé une porte ouverte à ce genre de pratique. » Notons que le spécialiste de l’islam emploie le conditionnel alors qu’il connaît sur le bout du doigt ses hadiths. Et pourquoi ce prophète que l’on nous affirme si humain a-t-il approuvé ces mutilations? C’est en quelque sorte le signe de son ouverture d’esprit! Il tolérait l’excision « en respect des pratiques culturelles en cours à son époque dans certaines régions de la Péninsule ».

Et puisque son prophète a laissé la porte ouverte, Tariq Ramadan ne va pas la refermer : L’islam reconnaît les pratiques culturelles dès lors qu’elles ne s’opposent pas à une obligation ou à un interdit. » Explication de texte: l’excision est une pratique culturelle qui n’est ni obligatoire, ni interdite par les textes sacrés, les croyants peuvent donc parfaitement la pratiquer avec l’appui de « certains savants musulmans ». Ils sont légions.

En juin 2008, le magazine Foreign Policy a publié la liste des intellectuels les plus influents du moment. Le seul Suisse cité se nomme Tariq Ramadan.  Jean Ziegler, qui a appuyé plus d’un leader totalitaire, se félicite de ce choix qui donne de la Suisse «une image multiculturelle et tolérante».

Vedette toxique des mosquées et des médias

Un rappel tiré du «Radicalisme dans les mosquées suisses».

S’il existe une raison, une seule, qui devrait entraîner le rejet absolu de Tariq Ramadan, c’est qu’il s’acoquine avec un fana­tique tel que Youssef Al-Qaradawi. Et ce depuis une vingtaine d’années. Qaradawi a entre autres souhaité que les musulmans achèvent l’œuvre d’Hitler. En Suisse, les mosquées adorent Tariq et les médias le convoquent à chaque éruption musulmane comme le spécialiste moderniste, de même qu’à la parution d’un nouveau livre. Sa compromission la plus récente est sa cooptation au printemps 2015 par l’Union mondiale des savants musulmans, instance de Frères musul­mans basée au Qatar et présidée par… Al-Qaradawi.

Au congrès de l’Union à Istanbul, Al-Qaradawi a souhaité en guise de testament (il a alors 89 ans) deux actions à mener pour «faire progresser l’Oumma»: d’une part autoriser les femmes à aller prier à la mosquée (sic!), et d’autre part que les musulmans s’engagent davantage dans la propagation de l’islam, surtout que les chré­tiens sont eux «très actifs».

À Istanbul, les savants ont élu le successeur d’Al­ Qaradawi. Ce sera Rached Ghannouchi, autre Frère musulman au sinistre parcours, dirigeant depuis plus de trente ans du parti Ennahdha de Tunisie. De la bonne graine d’islamiste. On trouve encore dans cet aréopage le pionnier de la confrérie des Frères musulmans au Canada, l’hyperactif Jamal Badawi, membre lui aussi de l’archaïque Conseil européen des fatwas et de la recherche.

Bien avant cette prestigieuse nomination, Ramadan avait rédigé la préface du pathétique Recueil de fatwas destiné aux musulmans d’Europe, réalisé sous la houlette de son mentor par ce Conseil européen des fatwas et de la recherche, sommet d’intolérance et de misogynie. En janvier 2012, il a inauguré avec Al-Qaradawi un centre de recherche sur la charia au Qatar, dont il est directeur.

En 2012, il attribue à la France la responsabilité des assassinats de militaires et d’enfants juifs commis par Mohamed Merah. Celui-ci était «un grand adolescent, un enfant, désœuvré, perdu, dont le cœur est, de l’avis de tous, affectueux ( … ) Citoyen fran­çais frustré de ne pas trouver sa place, sa dignité, et le sens de la vie dans son pays ( … ) un pauvre garçon coupable et condamné sans l’ombre d’un doute, même s’il fut lui-même la victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné. »

Rares sont ses interven­tions qui n’alimentent pas la rancœur des musulmans français à l’égard de leur pays et de l’Occident.

L’ambition sans limites du petit-fils d’Al-Banna qui voulait imposer au monde musulman sa vision de l’islamisation de l’Occident, le pousse donc à frayer avec les pires enragés de l’islam totalitaire. On cherchera d’ailleurs vainement dans ses œuvres un soutien à ceux qui voudraient purger cette religion de ses sectarismes, tels Abdennour Bidar, Mohamed Arkoun, Abdelwahab Meddeb et tant d’autres. Il préfère en rester à une nouvelle lecture du Coran et des Hadiths qui lui fait découvrir que tout ce que l’Occident a cru inventer en matière de droits de l’homme, des animaux, d’écologie et de pacifisme est déjà contenu dans l’islam. C’est un grand invocateur du contexte lorsque quelque chose le gêne dans la lecture. Ses démonstrations sont assez faibles, mais on imagine que Qaradawi avait d’autres raisons pour le coopter dans l’Union : l’art de la rhétorique et le succès du tartuffe en Occident.

L’islamiste semblait insubmersible. Les mosquées romandes l’adulaient, les médias lui sont restés d’une totale fidélité… jusqu’à la noyade finale.  

Lorsque j’ai lu son livre d’entretiens avec Jacques Neyrinck, je l’ai senti tanguer. Lorsque j’ai lu Frère Tariq de Caroline Fourest, j’ai cru qu’il allait couler. Lorsque je l’ai vu poursuivre son alliance avec Youssef Al-Qaradawi, j’ai pensé qu’il serait démasqué. Rien de tout cela ne s’est produit. Au contraire, les autorités le fréquentent volon­tiers. En octobre 2016, le délégué genevois à l’intégration intervient avec cet invité à la journée annuelle de l’Union des organisations musulmanes de Genève (UOMG) présidée par son frère Hani. Et à la sortie de son dernier livre avec Edgar Morin, la RTS a immédiatement convoqué son spécialiste favori. Ce sera probablement sa dernière prestation.